La sortie du tome 4 de Rapaces (Marini-Dufaux, Ed. Dargaud) est un événement qui méritait bien une petite apparition dans ce numéro de Pisco ! Et comme il clôture le cycle, nous nous sommes penché sur les 4 tomes afin d'en apprécier l'intégralité.
Seb : pour !!!
Étonnant ou non, je n'avais pas
lu la moindre BD dessinée
par Marini. Quel manque de
culture ! Bon, j'ai pu enfin combler
cette lacune (merci Seb) grâce à
Rapaces. Mes impressions ? Pour
faire simple, court et concis : oui,
oui, oui et encore oui !! Cette BD
est absolument géniale et je la
recommande à tous ceux qui ne
connaissent pas encore, ça serait
vraiment dommage de la rater! La première
impression que j'ai eue
en ouvrant le premier
tome, c'est l'ambiance
rendue par les dessins de Marini.
Rien à voir avec les dessins un
peu « plastiques » auxquels
je m'attendais. Au contraire ils
sont
d'un style plutôt
réalistes et
en
même
temps assez
simples. Les
proportions
très « effilées » des personnages,
qui auraient pu choquer sont
ici parfaitement à leur place et
contribuent à l'ambiance
de la BD. Ce qui m'a le
plus frappé, et le plus
impressionné, ce sont
les jeux d'ombres et de
lumières, et les contrastes
que
l'auteur
utilise
vraiment avec beaucoup
de talent. Chaque image,
chaque planche reflète
exactement l'ambiance et
l'intrigue de l'histoire. J'ai
rarement lu une BD où
scénario et mise en image
étaient aussi intimement
liés et complémentaires.
D'une image à l'autre,
Marini jongle avec sa
palette de couleurs et
joue avec nos émotions :
les couleurs chaudes des
scènes d'action côtoient les tons
plus pastels et plus ternes des
rues New-Yorkaises. Globalement
la série est surtout dominée par
2 couleurs : le
bleu/noir
de la nuit et le
rouge du feu
et du sang.
Surtout du sang
d'ailleurs... Ce
contraste des
couleurs intervient également au
sein d'une même image, où on va
avoir un rouge carmin provoquant,
étincelant, au
milieu de teintes
plutôt
froides.
C'est aussi la
force du dessin
de Marini ! De
plus
ces
contrastes
reflètent
particulièrement bien l'ambiguïté
des personnages principaux. Je
ne dis pas « héros »
volontairement ,
puisque dans cette
lutte vampiresque où
les humains n'ont qu'un
rôle de spectateurs et
de gibier, il est difficile
de juger les actions
des uns et des autres.
Alliances,
trahisons
et coups fourrés sont
acteurs d'un scénario
surprenant, qui est
à la hauteur de nos
attentes !
Toute
l'intrigue
est basée sur la
psychologie
des
personnages :
revanche
familiale
pour Drago et Camilla,
vampires puissants et sanglants
de l'ancien temps, dans leur
nettoyage systématique des
vampires au pouvoir ; mépris total
de la race humaine par les vampires
immortels ; et apitoiement apeuré
des humains survivants...
Les relations entre les personnages sont primordiales. Ainsi l'amour passionnel et incestueux entre Drago et sa soeur Camilla, reflète le caractère controversé et immoral de ces personnages tout puissants. Vicky Lenore sera celle par qui tout arrive et tout se termine. Du statut de flic perdue et dépassée, elle deviendra malgré elle le jouet des Molina et source de jalousie.
JEAN DUFAUX: Né à Ninove ( Belgique ) le 7 Juin 1949, Jean Dufaux fréquente tout d'abord l'Institut des Arts de Diffusion, à Bruxelles. Dès sa sortie, il écrit des articles pour Cine-Presse, des pièces de théâtre pour enfants, des nouvelles. Pour ses premiers pas dans la bande dessinée il scénarise dès 1983, avec Vernal, la série Brelan de Dames, dessinée par Renaud et publiée dans l'hebdomadaire Tintin. Puis il donne naissance entre autres à Jessica Blandy (1987 Novedi, Dupuis), aux Enfants de la Salamandre (1988, Dargaud) ou encore à Santiag (1991, Glénat). Depuis, Dufaux a travaillé dans une variété de genres (thriller, récit historique, fantastique ou western) et d'époques, avec des séries telles que Niklos Koda (avec Grenson), Les voleurs d'empire (avec Jamar), l'imperatrice rouge (avec Adamov), Jaguar (avec Bosschaert), Murena (avec Delaby), Djinn (avec Miralles) et bien sûr Rapaces (avec donc Marini).
Mais le libre-arbitre
et la liberté
semblent être des notions
oubliées des
puissants. Encore une
fois, le dessin de Marini colle aux
personnages : la beauté sombre
et froide des Rapaces contraste
avec le teint terne et blafard des
vampires.
De même la force et la
puissance des Molina et le déclin
irrémédiable des anciens maîtres
sont traduits par le jeu des couleurs,
des ombres, l'aspect même des
personnages. Les scènes d'action
sont particulièrement réussies
et esthétiques, avec quelques
petits effets « Matrix » qui cadrent
parfaitement à l'univers vampirique
de Rapaces.
Les maîtres mots de cette BD sont violence, pouvoir et sensualité ! Trois notions qui marchent souvent ensemble et qui nous donnent ici une série pleine de surprises et de rebondissements, mais aussi de messages, de symboles : les génocides, la foi, la vengeance, la liberté, le libre arbitre, la jeunesse, l'espoir... Bref, une série en 4 tomes, magnifique et fouillée, et qui mérite franchement le détour !
Seb (l'autre) : pour aussi !!!
Hum.... Nous voilà placé devant un dilemme cruel. Généralement dans ce type de critique on essaie d'avoir deux avis différents... Hélas ça va être dur pour moi de dire du mal de Rapaces!
Abordons cette série sous un angle différent de mon comparse : l'histoire. Tout le génie de ce scénario c'est de nous dévoiler progressivement l'histoire d'une conspiration à l'ancienne. Dans les premiers albums, on frissonne en se disant qu'Ils sont différents de nous. Par la suite, on réalise qu'en fait c'est nous qui sommes différents d'eux... puis que l'espèce humaine est un genre qui se fait de plus en plus rare...
Brrrrrr.....Tout le début du cycle est bâti
sur une ambiguïté : que sont
vraiment les Rapaces et ceux
qu'ils traquent ? Vampires, loups
garous ? Les deux ? On découvre
petit à petit, par flash-back, leur histoire et
leur genèse.Quand la certitude
s'impose,
on
découvre
que
l'humanité est une
espèce en voie de
disparition, grignotée
progressivement
par un peuple de
vampire qui ne craint
plus l'astre solaire.
ENRICO MARINI :Élevé au biberon des dessins animés japonais -Marini est né en 1969- qui déferlent sur les écrans de télé européens à partir du milieu des années 70, le jeune Enrico développe son trait dans la lignée de son univers visuel de prédilection, avec une série culte : Lupin III, signée par le pape de l'animation japonaise (mais Marini ne le sait pas à cette époque), Hayao Myazaki. Il intègre à dix-huit ans l'Ecole des beaux-arts de Bâle, et c'est à cette époque qu'il est remarqué, au Festival de la bande dessinée de Sierre, dans le cadre du concours des nouveaux talents. Ses planches suscitent l'admiration d'un journaliste qui le présente illico à une nouvelle maison d'édition : Alpen Publishers. Ces derniers décident de confier à Marini un scénario de Marelle intitulé La Colombe de la Place Rouge. La publication de cette histoire dans La Tribune de Genève est un tel succès que naît le premier tome de la série Un Dossier d'Olivier Varèse. Trois tomes suivront, écrits par Thierry Smolderen puis Georges Pop, qui composeront le premier volet de cette série. Aujourd'hui le style de Marini a évolué. Plus lyrique, il s'est lancé dans deux séries baroques et fantastiques, l'une d'époque, Scorpion (avec Desberg), l'autre d'anticipation noire autant que rouge sang : Rapaces (avec Dufaux).
Mais les vampires
aussi ont leurs
faiblesses, et leurs prédateurs, Drago et Camilla. Quelques regrets cependant sur
l'histoire : en cette fin de cycle
on aurait aimé en savoir plus sur
l'immunité des vampires au soleil
et la mystérieuse dégénérescence
qui les frappe...
La « pureté » du
sang des Molina et les mystérieux
pouvoirs de leurs armes restent
également inexpliqués. Ce parfum
de mystère est indispensable
à l'ambiance des 3 premiers
albums, certes, mais sur cette fin
de cycle le lecteur reste un peu
sur sa faim...
Mais l'histoire n'est pas le seul point fort de Rapaces: les superbes dessins de Marini retracent les scènes d'action à merveille, sans parler de la sulfureuse Camilla... Je crois que rien pour elle ça vaut le coup d'acheter les albums. Bref c'est une bonne série, quoi, mangez en ! Même si à mon humble avis le tome 4 n'est pas le meilleur (on reste un peu sur sa faim...).
Seb &
Seb